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Le vert Pastoureau
Il s’en est fallu de peu que le drapeau français ne soit entièrement vert. Racontez-nous.
Le 12 juillet 1789, Camille Desmoulins, qui haranguait la foule, cueille une feuille de tilleul, symbole de liberté, comme la couleur verte. C’est la première cocarde révolutionnaire. Mais les insurgés apprennent que le vert est la couleur de la livrée du comte d’Artois, futur Charles X, l’homme le plus réactionnaire de France. La cocarde verte est aussitôt abandonnée et remplacée un peu plus tard par la tricolore!
Pour étudier les couleurs dans une société donnée, vous commencez par observer le vocabulaire qui s’y rapporte. Or certaines langues ne nomment pas les couleurs.
En grec ancien et en hébreu, la même couleur peut être désignée par des mots différents, et un seul mot peut désigner plusieurs couleurs. En grec ancien, seuls le blanc, le noir et le rouge sont nettement désignés. Le bleu est presque inexistant et le vert, flottant. Au point qu’au XIXe siècle des philologues et des neurologues ont cru que les Grecs ne voyaient pas le bleu et à peine le vert. Il y a eu des polémiques violentes à ce sujet! Aujourd’hui, on sait que, lorsqu’une couleur n’est pas nommée, c’est qu’elle n’a pas de rôle dans la vie politique, religieuse ou sociale. Le latin, quant à lui, a un mot précis pour le vert, viridis, qui étymologiquement se rattache à la famille de mots qui évoquent la vie, la vigueur: vis (force), vir (homme), ver (printemps), virga (tige, verge) et sans doute virtus (courage, vertu).